Véhicules alternatifs: tout le monde y pense, personne n'en achète

© 2013 Alain Herzog

© 2013 Alain Herzog

Les véhicules électriques et alternatifs ne dépassent pas 2,6% du marché en Suisse. Directeur adjoint du Centre de Transport de l’EPFL, Michaël Thémans évoque les raisons de ce désamour à la veille d’un «Science! on tourne» sur ce thème et du Salon international de l'automobile de Genève.

Entre véhicule électrique ou alternatif et consommateur, le courant ne passe pas. En Suisse, les ventes de voitures dites propres ne dépassent pas 2,6% du marché, dont une très faible part pour les véhicules électriques. Un chiffre misérable en regard des efforts déployés et des investissements consentis par les constructeurs automobiles pour améliorer le bilan écologique de leurs produits. Le paradoxe est d’autant plus surprenant que la protection de l’environnement arrive souvent en tête des préoccupations des Helvètes.

Alors que s’ouvre dans quelques jours la grand-messe de l’automobile à Genève, le Salon de l’auto, «Science! on tourne» se pose la question : pourquoi les véhicules électriques, efficients ou hybrides ont-il tant de difficultés à percer sur le marché ? Michaël Thémans, directeur adjoint du Centre de Transport (TraCE) de l’EPFL pose le décor.

Sur le marché depuis près de deux décennies, la voiture alternative ne séduit pas. Est-elle invendable?
Certainement pas. Mais le marché automobile est très particulier car il touche tant des aspects économiques, que sociétaux et émotionnels. La variété de l’offre traduit la diversité des besoins et des désirs placés dans une voiture. La plupart des consommateurs cherchent un véhicule qui réponde à tous leurs besoins de mobilité. Il doit permettre de faire les trajets quotidiens, traverser le pays pour aller en vacances, évoluer facilement dans le trafic en ville, être économique, offrir une sécurité maximale… Dans leur choix, les gens renoncent souvent à considérer le véhicule électrique ou alternatif car ils pensent qu’il ne répondra à pas à tous ces critères. D’autant plus que le consommateur est a priori réticent à tout changement, comme le relèvent nos recherches.

Répond-il à tous nos critères?
Ni plus ni moins que les véhicules traditionnels. Le problème est plus large et doit être appréhendé du point de vue de la mobilité et non du produit automobile. La mobilité du futur demande un changement de mentalité qui s’articule autour de la multimodalité. On n’a pas besoin d’acheter un véhicule qui doit pouvoir en permanence tout faire mais apprendre à emprunter différents moyens de transport en fonction de ses besoins de mobilité. Dans cette optique, la voiture alternative trouve sa place dans un cocktail de mobilité multimodale et durable.

Au-delà des aspects sociétaux, le prix n’est-il pas aussi un facteur déterminant?
L’aspect financier, qui est un élément déterminant dans le processus décisionnel d’achat, pèse clairement sur les ventes. Les véhicules non conventionnels sont certes plus chers à l’achat mais le consommateur n’intègre pas toujours dans son raisonnement les coûts d’usage et d’entretien, qui peuvent être moins élevés.
En Suisse, où le parc automobile est plus jeune que celui de ses voisins européens, les véhicules alternatifs ne percent pas de façon plus importante. Peut-être est-ce parce que la Suisse est un des seuls pays en Europe où il n’existe aucune aide financière de l’Etat à l’achat d’un véhicule alternatif. En outre, le Suisse est plutôt friand de grosses cylindrées qui ne sont pas offertes dans la gamme des véhicules électriques.

Le consommateur entretient aussi des doutes sur les aspects réellement écologiques de la voiture verte. Est-ce justifié?
Il est évident que le bilan énergétique doit englober non seulement la consommation mais aussi l’empreinte écologique de la production et du recyclage du véhicule. La filière de recyclage de ces produits est discutable parce que les quelques pourcents des éléments qui ne sont pas recyclables, dans les batteries notamment, sont les plus nocifs. Enfin, la « propreté » d’un véhicule électrique dépend aussi de la source d’énergie utilisée selon que l’électricité provient d’une centrale nucléaire, d’un barrage ou d’une usine à charbon.

Finalement, c’est le développement de toute la filière alternative - des gammes plus diversifiés de véhicules abordables, un bon réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques et une acceptation sociale plus large de ces produits - , qui leur permettra de prendre leur essor plus marqué.

Science! on tourne, Mercredi 27 février 2013, à 12h15 au Rolex Learning Center. Avec la participation de Michaël Thémans, Directeur adjoint du Centre de Transport (TraCE) de l’EPFL, et de Pascal Feillard, Directeur Marketing Prospectif chez PSA Peugeot-Citroën.